Témoignage de Cynthia, prostituée rencontrée en octobre 2002 à Charleroi (Belgique), spectatrice de Soy Imperfecta
 

 

Je suis allée au théâtre pour découvrir une pièce hors du commun mais si proche de la réalité! Une réalité que les gens de la société ignorent et ont toujours voulu ignorer celle de la prostitution!!!
   Cette pièce a été montée par des artistes qui ont voulu faire voir la réalité, celle qui n'est pas toujours belle à voir, celle dont on se cache le plus souvent, celle dont les gens n'osent pas parler.
   "Et oui on ne va pas toujours au théâtre pour rire!"

   Cette pièce a exprimé la prostitution en elle-même, ce qui se passe réellemment tous les jours pour ces filles qu'on dit "putes", dans leur quotidien, la peine, la souffrance, l'abandon de la société, le mépris, la solitude, la provocation, la soumission, le regard de l'autre, le rejet, la purification, l'incompréhension... une main qui parfois se tend mais qu'on ne saisit jamais, un coeur, une âme qui veut s'ouvrir mais qu'on rejette avant même d' avoir essayé de la comprendre, un monde bien à part en recul de la société, on pourrait l'appeler "la prison de tous les sévices" et ce tous les jours pour y gagner leur vie comme toute autre citoyenne, "un metier"...   
Je vais vous raconter l'histoire de cette pièce qui au depart n'avait que très peu de mots, rien que le corps pour faire jaillir ce qui existe à l'intérieur et au tout profond de son coeur, les choses qu'on enferme à tout jamais dans un coin de son âme et qu'on n'ose pas ressortir, rien que des gestes pour expliquer toutes les émotions du corps et de l'esprit simplemment.
   De chaque geste on pourrait faire un roman...
Trois prostituées arrivent vers vous, vous provoquant en faisant un show avec de tels gestes que nul ne peut imaginer, attirant l'attention pour expliquer qu'elles vendent un service, celui de vous satifaire de vos fantasmes, un service de leur corps, de leur âme, un service qui est autant physique que psychologique.
   Pour toutes les trois, c'est le même métier, le même travail.
   Elles sont arrivées à trois mais sont seules chacune de leur côté à vous raconter la violence, le désespoir, le regard de l'autre, de différentes manières.
   Ces filles arrivent le visage couvert sur le lieu de leur travail, la rue où elles ont la plupart un petit studio où elles peuvent recevoir leur clientèle. Mais elles travaillent toutes sur le trottoir.
   Elles commencent par se déshabiller et enfilent leur deuxième identité, leur uniforme de travail en se maquillant à travers le regard de l'autre pour trouver la perfection du visage.    L'attente dans la rue du premier client, l'énervement, les insultes qu'on balance gratuitement au visage, la peur de la premiere rencontre avec l'autre, cet inconnu, fumant cigarette sur cigarette comme un calmant, souriant pour camoufler leur peine.    Enfin,l'arrivée du premier. Elles passent à l'acte, subissent ses fantasmes et puis se lavent sur toutes les parties, de toutes leurs forces pour enlever toutes les impuretés psychologiques et les traces qu'il a pu laisser en venant se soulager sur leur corps!!!
   Toutes relations bucales, vaginales, anales se font avec préservatif!!!

   Elles redescendent dans la rue pour une longue journée qui ne fait que commencer en répétant au fil des heures toujours la même chose:  "30 euros la fellation , 75 euros le rapport"  sans cesse!!!    Elles travaillent seules et isolées, jamais à l'abris de violences. C'est toujours seules qu' elles doivent faire face...    Les plus heureuses en ce monde de la prostitution sont celles qui travaillent  pour leur propre compte. Quant à ces filles venues des quatre coins du monde faisant partie d'un réseau, encerclées dans cette prison du sexe, le plus souvent droguées à leur insu pour mieux se donner, elles ne vivent plus que dans le seul espoir de voir un jour la sortie mais généralement la mort arrive comme seul sauveur! Un corps déchiré; une âme noircie; un coeur debordant de larmes et de douleur. Quant à l'emprise des proxénètes, elles doivent écouter et se taire!!! Ils vont jusqu'à leur détruire toute faculté mentale pour qu'elles s'abandonnent à leurs désirs. C'est ainsi que beaucoup d' entre elles avortent suite à des agressions, à des viols... Et oui! Les prostituées se font aussi violer!!! Et dans le plus triste des cas, on donne mort à leur foetus en les battant!!!
   "le sang qui donne la vie pour elles devient le sang de la mort!!!"
   Ces filles qu'on laisse mourrir de souffrance seules dans un lit ou par terre par peur des questions qu'on leur posera s'ils les emmènent à l' hôpital...    D' autres essaient de se purifier en se refermant quelques instants dans un cocon fait d'un drap blanc mais trop vite l'heure de se remettre au travail arrive. Se purifier quelques heures ne lave pas des années de souffrance!!!    Mais tous ces corps meurtris; tous ces coeurs brisés; tous ces regards perdus noyés de souffrance que l'on croise, qui s'en soucie?  Personne!!!    Tout ce qui peut leur arriver n'est rien, on dira toujours:
"Ce n étaient que des putes!!!"                                       

Cynthia, Charleroi le 05 novembre 2002